Ni autochtone, ni blanche

Photo © Jean-Paul Tremblay

Photo © Jean-Paul Tremblay

Je voudrais dire wliwni (merci!) de vivre à Montréal,
qui est en TERRITOIRE MOHAWK NON CÉDÉ!

I would like to say wliwni (thanks) for being able to live in Montréal,
which is in UNCEDED MOHAWK TERRITORY!

 

Photo © Marie-Josée Tremblay

 

Kwaï! Bonjour!

Nd’aliwizi Mali-Sozi. Je m’appelle Marie-Josée.

N’wal8wzi, ni kiow8? Je me sens bien, et vous?

N’plachm8n8dwa. Je parle français.

Nd’iglism8n8dwa. Je parle anglais.

Nd’aln8ba8dwa. Je parle abénaki.

 

Il y a deux ans déjà, j’ai commencé à apprendre la aln8ba8dwaw8gan (langue abénakise), cela a duré un an. Puis, l’année dernière, les cours ont repris. J’avais envie de partager avec vous un peu de mon apprentissage de cette langue, qui m’a été si familière dès le premier cours. La aln8ba8dwaw8gan (langue abénakise), j’en suis tombée amoureuse! C’est vrai! J’avais l’impression que je retrouvais ma langue maternelle! Pourtant, j’ai été adoptée très jeune, par l’intermédiaire du père Boyle, jésuite. Je suis métisse anishnabe, algonquine. En poussant davantage mes recherches généalogiques, je suis certaine que je trouverais aussi des racines abénakises.

Je viens d’une famille adoptive non raciste. Ma mère est née à St-Henri, mon père à Hochelaga-Maisonneuve. Il a été lieutenant dans l’armée canadienne, positionné en Angleterre pendant la deuxième guerre mondiale. La division raciale n’existait pas dans notre famille tant au sujet des minorités qu’à celui de la iglism8n8dwaw8gan (langue anglaise).

« Moi, je ne suis qu’une Métisse à tes yeux, une adoptée, sans carte, sans preuve, sans communauté, avec parents adoptifs et religion catholique, en plus, qui parle français tandis que toi, tu parles majoritairement anglais avec tous les droits possibles. » Est-ce qu’on doit vraiment avoir une barrière entre nous? Que dire sur la séparation, entre nations, provoquée par les langues ainsi que tout le reste? Pourtant, toi aussi tu as été adopté. Tu as retrouvé ta famille, comme moi.

Avant même que les colons arrivent au Québec et au Canada, les différentes nations autochtones s’entretuaient. Par la suite, les colons s’installent. Certaines nations se sont alliées avec les Français de France et d’autres avec les Anglais d’Angleterre. D’où la division entre les peuples autochtones, leurs langues et leurs religions! Résultat? Langues parlées : français, anglais, autochtones. Religion choisie : catholique, protestante, traditionnelle. Et j’en passe…

Donc, pour qu’un Autochtone soit reconnu comme un vrai Autochtone, le gouvernement lui demande de prouver le pourcentage autochtone qui coule dans ses veines. Cette loi augmente la division, la discorde, la rupture entre les nations. Une loi totalement inacceptable! Comment le prouver? C’est une situation grotesque et déchirante. C’est ridiculiser les Autochtones! Le gouvernement a créé le chaos entre nous pour, encore une fois, nous isoler, nous détruire, nous exterminer!

En plus on entend les discours sur la réconciliation entre non Autochtones et Autochtones. Je suis bien d’accord, mais que fait-on de la réconciliation entre les nations autochtones ainsi qu’entre les Autochtones et les Métis? A quand cette réconciliation? Rien n’a changé entre nous, ou si peu. Donc, parler de métissage est encore plus compliqué. Vous pouvez comprendre un peu mieux comment je peux me sentir dans tout ce casse-tête… Je ne le répéterai jamais assez : Je ne suis ni l’une, ni l’autre. Ni autochtone, ni blanche.

Même si je suis impliquée dans la communauté autochtone de Montréal depuis plusieurs années et que j’y ai travaillé, je reste, pour certains Autochtones, une Métisse – ou plutôt une non Autochtone, qui veut s’infiltrer parmi eux. Il est certain que ça me blesse, mais je dois comprendre qu’il y a beaucoup de gens qui se disent métis à Montréal et qui ne le sont pas. En plus, certains Autochtones qui vivent dans des réserves – même s’ils ont leur carte d’Indien – sont métissés et donc rejetés, intimidés, par les gens qui les entourent. Selon eux, ils sont autochtones! Éventuellement, vu que la pression est trop forte, ils quittent leur communauté sans savoir où aller… Ils vont vers les grandes villes. Ils sont perdus, déchirés. C’est tellement compliqué!

Avec toute l’expérience que j’ai vécue pendant toutes ces années avec tous les Autochtones que j’ai rencontrés et qui vivent, ou vivaient, à Montréal ce que je considère le plus difficile, c’est l’intégration. De faire partie d’eux, partie d’un tout! Comme une famille! Je n’ai pas grandi dans une réserve. Donc, je n’ai pas connu les enjeux auxquels ils ont fait face. Ils ont eu des vies très difficiles. J’entends leurs histoires, mais je n’y étais pas. J’ai été élevée en banlieue de Montréal. Ma mère voulait que j’étudie afin d’obtenir des diplômes pour pouvoir travailler. On avait une maison. Je n’ai jamais manqué de rien!

Nous, les Autochtones ainsi que les Métis, nous, on travaille fort pour aller mieux physiquement, mentalement, émotionnellement et spirituellement en se réappropriant nos langues, nos traditions ainsi que nos croyances spirituelles traditionnelles. Mais, les dégâts sont irréparables et la guérison sera longue!

Nd’aliwizi Mali-Sozi. Je m’appelle Marie-Josée.

N’wigi Molianek. J’habite Montréal.

Wlinanawalmezi. Prend bien soin de toi.

Wliwni. Merci.

Adio. Au revoir.

 

 

À propos de l’artiste

Auteure-compositrice et interprète de musique indie-folk, Marie-Josée Tremblay est aussi photographe, réalisatrice, comédienne et peintre. Artiste pluridisciplinaire d’origine algonquine, elle s’inspire de ses expériences vécues allant même au-delà. Après avoir sorti un album CD « Searching for you » honorant les femmes autochtones disparues et assassinées, elle a réalisé un album EP « Ni l’une Ni l’autre » regroupant les musiques de son premier court-métrage. Marie-Josée est impliquée dans la cause des Femmes Autochtones Disparues et Assassinées depuis plusieurs années. Elle a également réalisé quatre courts-métrages avec la production Wapikoni Escale Montréal et UQAM. Elle a composé les musiques sur ses courts-métrages « Ni l’Une Ni l’Autre » et « Le Battement de ma Ville », 2015 – 2016. « Un Matin Tranquille » et « L’Envol » ont été sélectionnés au Festival Présence Autochtone de Montréal, 2017 – 2018.

En janvier 2019 sa présentation multidisciplinaire « In my heart of hearts / Au plus profond de mon cœur » a paru dans la revue Montréal Serai. Marie-Josée a également publié un témoignage intitulé « Ma nourriture spirituelle » dans la revue TicArtToc (numéro #8 printemps 2017).


Marie-Josée Tremblay is an indie-folk singer-songwriter of Algonquin ancestry, who grew up in a French-speaking Québécois family in Montréal. A multidisciplinary artist with a passion for photography, filmmaking, acting and painting, Marie-Josée has also been finding delight in studying the Abenaki language, which feels intriguingly familiar to her. After launching her CD “Searching for you,” honouring missing and murdered Indigenous women, she released a mini-album entitled “Ni l’une Ni l’autre,” featuring her music from her first short film of the same name, which explores the realities of being Métis – neither Indigenous nor white.

Marie-Josée created four short films with the help of Wapikoni Escale Montréal and Université du Québec à Montréal. Two of these short films, “Un Matin Tranquille” and “L’Envol,” were selected for the Festival Présence Autochtone de Montréal (2017-2018). In the spring of 2017, the magazine TicArtToc published her piece “Ma nourriture spirituelle” (#8 printemps 2017) and in early 2019, her multidisciplinary piece entitled “In my heart of hearts / Au plus profond de mon cœur” appeared in Montréal Serai.

For more information on Marie-Josée Tremblay and her art and music, please visit her general website, her music website, and the Wapikoni website for young Indigenous filmmakers. Her songs will also be available via the CD Baby website and on iTunes, Amazon and other digital platforms in the near future.